Un aperçu de mon parcours

par Lucienne Sévéhon

Francky Boy est né à Paris, dans le 20ème – « …comme Édith Piaf », dit-il – et il a vécu la plupart du temps à Paris avec quelques escales de jeunesse en Suède, à Madère et au Canada, mais sa ville reste ‘Paname’.

Après avoir vécu, avec femme et enfant en France, dans le Val-de-Marne pendant 18 ans, entrecoupés de séjours prolongés dans le sud de la France – à Nice – et aux Etats-Unis – à Miami – , il a passé trois ans dans les Cévennes méridionales avec sa femme.
2011, retour dans ce Val de Marne, point d’ancrage, et à Charenton-le-Pont, rue de Paris en 2012.

Son parcours artistique atypique, fait de rencontres et de rebonds, débute au théâtre, notamment son grand pote de l’époque est Daniel Gégou.

Lorsqu’il vient à la peinture en 1981, la Figuration Libre commence juste avec son explosion d’artistes individuels ou en groupe.
Francky Boy fait partie du groupe d’artistes peintres “Les Musulmans Fumants” au tout début de sa création en 1980, par Tristam, César Maurel et Philippe Waty, non pas en tant que peintre mais en tant que cinéaste.

En effet, il ‘tourne’ depuis 1976 et a réalisé une quarantaine de courts et moyens-métrages, en super 8, en 16 mm et un film en 35mm ainsi qu’un un film d’animation de 20 minutes “ Tout est ok ”.
Son assistant de l’époque est Jacky Paupe.

En 1982, il co-réalise ” La Danse Des Mots” de, et avec Jean Baptiste Mondino.
Il réalise aussi “ Electric Cité ” pour Téléphone et co-réalise à nouveau avec Jean Baptiste Mondino, en 1984, “ Un Autre Monde ”.

Il crée aussi la pochette de ce dernier album de Téléphone.

Il réalise et peint tous les décors de ses films et la peinture est déjà présente malgré lui…
Il s’était pourtant toujours refusé de vivre le même métier que son père, Paul Sévéhon, peintre sculpteur.

Il avait eu un premier déclic en 1977-78, lorsqu’il avait vu Robert Combas peindre, à même le sol de sa chambre de Sète, avec l’évidence d’exister et magnifier l’acte avec une conviction sidérante.

Le François Sévéhon d’alors, peut enfin envisager la peinture d’une manière différente : la peinture avec du fun et de la dérision, voilà qui devient beaucoup plus intéressant, “ … si peindre comme ça est possible, j’en ai envie, je peux le faire aussi, c’est génial ! ”.

Avec les “Musulmans Fumants », il peut totalement mettre en pratique ces principes.
Ils feront des performances à Paris et à Londres, la peinture devient spectacle et improvisation.

Il abandonne progressivement le cinéma, qui devient pour lui, de plus en plus une “Industrie” cinématographique trop contraignante et, contraire à ses débuts ou il pouvait jouir d’une immense liberté, il se tourne résolument vers la peinture à partir de 1983-84.

Fan de bandes dessinées, il en adopte le style avec son propre trait, de plus son œil exercé au cadrage cinématographique développe des perspectives nouvelles et animées qui lui permettront de créer progressivement son propre langage de couleur et d’équilibre, où chacun peut se retrouver.

Des décors de ses films d’animation, à ceux du théâtre ou de la rue, se profile toute une vie qui ne demande qu’à s’exprimer.

La peinture s’empresse de prendre le pas sur celui qui devient progressivement Francky Boy.

Elle s’inscrit en évidence dans sa vie et exorcise passés et présents tumultueux.

Le cinéma lui aura aussi permis de rencontrer Coluche par qui il est immédiatement adopté après avoir vu ses courts-métrages.

Pendant presque deux ans, ils ont co-habité ensemble. Coluche l’a emmené sur des tournages à Cinecità, en Italie et au Mexique afin « qu’il voit le cinéma ». Il était défrayé à observer…

“…La meilleure école du monde ! “

Un défi lancé un jour à Coluche au sujet d’une table qui était “moche”, de la maison coluchienne rue Gazan, à Paris, lui a permis de se lancer dans une formidable fresque et de se produire sur bon nombre des murs de l’immense maison où il avait été invité, comme le veulent les bonnes traditions, à vivre et travailler sans souci.

Parallèlement, avec les Musulmans Fumants, entre deux expositions, ils s’organisent toujours pour des performances de folie :

  • Avec faste, bonheur et carte blanche (!), en 1981, ils investissent l’Espace Cardin de toutes leurs créations peintes ou filmées ;
  • En “sages” des nuits au Palace – boîte de nuit – véritable laboratoire de talents, orchestré par le grand Fabrice Eamer, où ils peignent de concert, entre autres, avec le groupe « Grand Master Flash »
  • Avec le journal Actuel, pour des expéditions toujours aussi créatives dans la rue ou le métro ;
  • Pour une exposition sauvage – mais autorisée par Jack Lang, ministre de la culture – lors d’une FIAC Off devant le Grand Palais à Paris en 1984 pendant la Foire Internationale d’Art Contemporain ;

De leurs relations, il garde les savoureux moments d’échanges de techniques ou de discussions à propos de leurs maîtres respectifs et aussi, de bien nombreuses fêtes et rencontres mémorables dans ce Paris de liberté, de mixité sociale et ethnique, de créativité débordante des années 80.

Le groupe va vivre 10 ans intensément. Ensuite chacun s’en est allé chercher d’autres espaces, mais le contact est toujours resté et les discussions entre peintres restent toujours des moments privilégiés.

Francky Boy est tout particulièrement attaché à Michel-Ange et Roy Lichtenstein pour la peinture, à Hergé pour la bande dessinée et à George Méliès pour le cinéma.
Il s’était d’ailleurs un jour, présenté comme étant son petit-fils à Coluche et celui-ci l’avait présenté illico comme tel à Dino Risi !

S’en suivent des retours au théâtre avec notamment en 1985, une performance, d’un décor par jour sur 20 jours, pour Farid Chopel, le Buster Keaton de cette fin de siècle, dixit Francky Boy, et des toiles encore et encore.

Des expositions, à Paris ou Londres s’enchaînent.

Sur les murs de boutiques dans Les Halles à Paris des fresques voient le jour.

La rue prend de la couleur.
C’est ensuite l’avenue Matignon qui pendant sept ans avec la Galerie Christophe profite de ses feux d’artifices, avec les encouragements des uns et la réprobation des autres.

Il pourra alors créer sans retenue. Son besoin de contribution au monde passe définitivement par la création et le langage qu’il invente, naïf pour les uns, poétique ou drôle pour les autres, est avant tout un moyen de donner vie à son monde, et, à notre imagination à tous.
Son univers prend alors forme, guidé depuis le début par son animal, devenu fétiche : la girafe, graphique et simple, sublimement inutile et tellement indispensable.

La poésie de son langage surprend, étonne, semble facile, mais elle apparaît finalement comme un merveilleux outil de communication dédié à toutes nos imaginations par trop bridées.

Francky Boy maître de l’équilibre travaille la couleur et le dessin au fil de centaines de toiles, aidé à une époque faste par un assistant Frédéric Foulon, dit Frédo.

En tant qu’enfant du Pop Art, New York l’attire irresistiblement.

À la suite de plusieurs séjours à Manhattan, il peint New York et expose à Soho en 1994.
Grâce à Michel Pétrucciani qui l’accueille, il découvre la dimension du jazz dans cette ville et se prend à apprécier et aimer les deux d’autant plus.

Son univers se profile aussi en 3D.
Il reprend la sculpture, qu’il avait régulièrement abordée avec des moyens alors précaires, pour donner vie entre autres, à la fameuse “Francky Toy”.
La voiture de course “des années Fangio” pilotée par une girafe au graphisme de plus en plus marqué.
Pendant une dizaine d’année, il collabore avec le mouleur Olivier Haligon, avec qui il est allé s’installer à Miami fin 98.

Il travaille aussi les bas-reliefs.
Raymond Masson, grand maître en la matière lui assura avec un grand sérieux britanique et l’accent qui va avec, que “c’est très facile”.

Quelques années plus tard, Francky Boy le confirme !

Lors de son séjour de dix-huit mois , en 1995, au Palais Miramar à Nice, lieu privilégié notamment par sa vue féerique, Francky Boy met en application ce principe de simplicité pour le bas-relief et coordonne avec fougue, matière, couleur et équilibre.

La couleur toujours présente, profondément étudiée lors de la création de centaines de tableaux, s’affirme encore lors de ces deux années passées dans le Sud de la France.

À Miami, où il habite ensuite, il en profite pour sortir quelques peu des aplats de couleurs notamment avec des mers translucides et des cosmos étoilés. La girafe se fait beaucoup plus discrète, secondée par Marcellino l’Escargot qui prend du grade et se voit offrir un skate intersidéral et une merveilleuse carapace cosmique.

Son univers pictural modelé au cours de ses nombreux voyages nous emmène en balade aux quatre coins du monde.
Il nous offre un autre regard sur des jungles délirantes, des déserts aux cactus multicolores, des mers tropicales accueillant des montagnes enneigées ou des villes comme Paris ou New York et leur cohorte de détails étonnants. Ces paysages sont traversés par des bolides en tout genre: la girafe pilote d’avion et de voiture de course ou bien d’autre personnage, dérisoire comme “Marcellino l’Escargot” ou provocateur comme “Le Copain du Voleur de Voiture”.

Régulièrement, la tentation de diffusion commerciale de cet univers se fait sentir mais chaque fois, la peinture reprend le dessus – peut-être gardienne de traditions ou d’intégrité !

Pourtant un art qui pourrait être vécu au quotidien par le plus grand nombre est une idée chère à Francky Boy. Il se retrouve là en accord, avec Keith Harring et ses “Pop Shop” ou bien Man Ray et ses séries “d’Objets Détournés” reproduits en plusieurs exemplaires.
Celui-ci soulignait : “Créer est divin et multiplier est humain” !

Francky Boy aime aussi se plonger dans de grandes et riches compositions aux palettes de couleurs chaque fois explorées sous de nouvelles déclinaisons.
L’essentiel pour lui étant de toujours peindre avec plaisir, jubilation et renouvellement.

Le tableau doit être un beau et bon moment, avec du rire, avant, pendant et après.
Et l’échange, acte primordial, est à chaque fois restitué.
La Toile, intime ou percutante, est toujours présente, positive et sans artifices.

Son art ne laisse pas indifférent et permet un autre regard, une autre ouverture d’esprit.

C’est une autre focale sur la vie, avec option couleur.

En raison d’une scolarité chaotique, il n’a pas appris l’échange sous la forme littéraire et consensuelle habituelle.
Avec la peinture, il a pu créer son propre langage. Elle lui permet de restituer avec humour et dérision sa vision du monde et de donner vie à son propre univers.
Elle se révèle le moyen idéal, la façon la plus simple pour lui de communiquer.

La simplicité est une composante essentielle de la création de Francky Boy.
Au-delà du vecteur “facile” de l’image de la BD, l’universalité de ce langage et la sobriété du trait lui permettent d’exprimer l’essentiel et de se concentrer sur la mise en place et l’équilibre, facteur (d)étonnant, de ses tableaux et source de poésie.
De la mise en place à la mise en scène il n’y a qu’un pas qu’il franchit allègrement dans les deux sens.
Autant il revendique ses multiples interprétations de l’univers de la BD, autant il leur invente une scénographie unique, empreinte de cette poésie que chacun interprète librement.

Son répertoire “d’acteurs” est infini. Il rend ainsi hommage au cinéma, à la musique, ainsi qu’à de nombreux maîtres de la peinture classique ou contemporaine, interprétant leur style ou leur sujet.
Il les réunis tous, ainsi que ses propres créations, dans le temps et l’espace d’un tableau pour le plaisir de la rencontre.

Sa peinture évolue en permanence, son style s’affirme et reste unique.

Après avoir mis au point et travaillé avec passion la technique du bas-relief, Francky Boy, à partir de fin 2003, a opéré un retour plein d’humilité et de détermination vers la couleur.
Guidé, pressé, par le besoin d’expérience(s), de compréhension, de renouvellement, il (ré)apprend la couleur afin de mettre au point une nouvelle palette.
Couleur par couleur, il s’est immergé pendant des mois dans leur dimension propre à chacune.
L’autodidacte qu’il est, continu son apprentissage.
Il crée aujourd’hui, chaque mélange assurant les déclinaisons et la continuité des teintes au sein de la toile afin d’en prolonger l’unité et la force.
Il est allé explorer les limites des contrastes pour y revenir de plus belle avec une palette extrêmement enrichie avec l’utilisation, et, l’exploration – sans fin – des cadmiums et autres pigments.

A partir de 2008, avec la belle lumière de son nouvel atelier des Cévennes, il savoure cette nouvelle acquisition de la couleur et de ses harmonies. Une période de bas-relief recommence peu après, avec une technique de moulage, et de tirage unique, dans les ateliers d’Olivier Haligon à Miami.
Les reliefs font étonnamment ressortir la luminosité de cette nouvelle palette.

Novembre 2011 voit la parution d’un ouvrage référence sur Francky Boy et sa peinture :  » Boy, c’est la Vie ! « 

Les textes sont de Christian-Louis Eclimont, la préface de Jean-Louis Aubert, la conception et la réalisation de Daniel Gastaud pour Volum Edition.

La Velvet Galerie, qui a rendu possible cette édition, accueille une exposition de circonstance.

Francky Boy revient sur Paris pour la préparer pour finalement y rester. Peu après, il s’installe à Charenton le Pont, rue de Paris.

Un retour aux sources, là, où il a passé une partie de son adolescence.

Sa peinture poursuit son évolution tout en gardant ce trait empreint de liberté et de délicatesse qui s’affirme encore plus avec les années.

La poésie de son langage, toujours là, continue d’étonner, et l’on se surprend à rêver, juste en équilibre.

La formidable énergie émanant de son travail laisse place à la bonne humeur, et donne l’envie de s’exprimer avec cette même liberté, ludique et généreuse.

Francky Boy reste un témoin original de son époque, il nous livre des espaces fascinants où nos consciences peuvent se balader en toute liberté.

Lucienne Sévéhon